25 décembre : Jésus, soleil invaincu des Saturnales ?

crédit photo : romy ryan james

Bonjour à tous,

J'espère que vous avez passé un beau et bon Noël !
D'ailleurs Noël, c'est quoi ? Ça vient d'où ? C’est une fête chrétienne, capitaliste, païenne ?

Ce qu'on pense savoir, c'est que Noël est la fête chrétienne consacrée à la naissance de Jésus (du latin natalis, devenu naelen en vieux-francique, puis plus tard et jusqu'à nos jours, noël en français), célébrée chaque année le 25 décembre. 
Or, ni le jour, ni même l'année exacte de la venue au monde du Christ ne sont connus ! (Selon quelques rares indices laissés dans la Bible, elle se situerait au Printemps...)
Une explication s’impose sur un sujet qui me passionne et qui j'espère vous passionnera aussi !

 Nombreuses sont les fêtes chrétiennes que l'on peut rattacher à des célébrations romaines, dont celle de Noël qui a de nombreux liens avec deux d'entre elles en particulier : 
les Saturnales et la célébration du culte du Sol Invictus.

     Les Saturnales sont sans doute les festivités les plus importantes de la Rome antique. 
Elles durent 7 jours entiers (du 17 décembre au 24 décembre) et célébrent Saturne
A l'origine, il s'agissait d'une cérémonie qui se tenait le 17 décembre dans le temple dédié au dieu, mais la durée des célébrations finit par s'étendre : 3 jours après la réforme du calendrier julien, 4 sous Auguste, 5 sous Caligula, et enfin une semaine complète sous Dioclétien, jusqu'au 24 Décembre - voire jusqu'aux Calendes de Janvier. 

Au départ, les Saturnales commémorent le solstice d'hiver (dont je vous parlais récemment ici), marqué par la nuit la plus longue de l'année, mais aussi, par le retour de l'allongement des jours et, symboliquement, la victoire de la lumière sur les ténèbres. 
C'est donc tout naturellement que l'on fête les promesses des futures récoltes, en honorant Saturne, dont le mythe veut qu'il ait enseigné l'agriculture aux Romains  (son nom viendrait du mot "Sator", qui signifie "le semeur"), lors d'un âge d'or où les hommes vivaient égaux dans l'abondance... 

    Concrètement, les Saturnales sont 7 jours d'ivresse, de festins, où tout le monde s'offre des cadeaux, sans distinctions sociales. Un joyeux déchaînement, où toutes les barrières disparaissent momentanément et où l'ordre hiérarchique est bouleversé : tous se réunissent autour des mêmes tables, les esclaves ne reçoivent plus d'ordre et recouvrent pour un temps toute liberté d'action et de parole - ils peuvent railler les maîtres en toute impunité, s'amuser avec eux et même se faire servir par eux. 
Durant cette période de relâche, aucun acte officiel ne peut s'accomplir et tous les travaux s'interrompent (écoles, boutiques, tribunaux, etc. sont fermés, aucun spectacle n'est donné et même les paysans délaissent leurs champs). Au contraire, ces journées de fête sont l'occasion de se réunir en famille ou entre amis autour de banquets, de s'amuser à des jeux collectifs et de sortir dans les rues et les jardins, mais aussi de décorer sa maison avec des végétaux qui restent verts toute l'année (houx, gui, lierre, pin, chêne vert, etc). 
On s'offre des cadeaux (chandelles de cire, figurines de terre cuite, porte-bonheur, petits bijoux, gâteaux, etc). 
Les enfants sont particulièrement gâtés, et reçoivent de petites babioles et de petites sommes d'argent (l'équivalent de nos étrennes). 
Un marché spécial est ouvert. On se réunit pour des piques-niques, au cours desquels on déguste une galette : celui qui trouve la fève dissimulée dans le gâteau est désigné "Roi du banquet", et peut alors distribuer des gages et donner des ordres ridicules à ses commensaux. 
On fabrique des figurines grotesques, suspendues au seuil des maisons, qui finiront par être brûlées. Ça ne vous rappelle rien ? Évidemment que si  ! 
Tous ces éléments ne sont pas sans évoquer notre Épiphanie (la galette), notre fête de Noël (les décorations et les cadeaux), et bien sûr notre Carnaval (tout le reste !)

De la célébration du solstice d'hiver à celle du culte du soleil, il n'y a qu'un pas. Et pour cause, le choix du 25 Décembre se rapporte directement au calendrier Julien qui, à cause d'une erreur de calcul, fixait le solstice d'hiver précisément à cette date.  
Vers 270, l’empereur Aurélien fait donc du 25 décembre une fête officielle appelée le "jour de naissance du Soleil" (du latin dies natalis colis invicti). 
Cette grande fête était donnée en l'honneur de Sol Invictus ("le Soleil Invaincu"), divinité solaire assimilé à Mithra (Dieu de la lumière et de la justice) apparue dans l'Empire romain au IIIème siècle
Comme la fête celtique Samain, elle favorise banquets et magnificence, pendant laquelle la paix règne et la communication avec le monde des morts est établie.

 D'origine Perse, le culte de Mithra se répand d'abord chez les soldats romains, qui l'importent en Italie. Il s'y implante rapidement et gagne Rome, devenant le culte le plus pratiqué de l'Empire.
Au point qu'en 274, l'Empereur Aurélien le déclare religion de l’État, dans l'optique de consolider l'unité des territoires dominés par Rome.  Religion austère et monothéiste (bien qu'elle cohabite dans l'Empire avec d'autres cultes, auxquels elle se superpose), le culte de Mithra se caractérise notamment par une initiation marquée par une série d'épreuves, suivie d'une sorte de baptême, par aspersion avec le sang d'un taureau. Par des l'abstinence et des rites de purification, les adeptes se rapprochaient de l'astre solaire, symbole de chaleur et de lumière par opposition à l'obscurité et aux démons.

    A la même période, le christianisme, alors en pleine expansion, cherche à s'enraciner profondément et se retrouve en concurrence directe avec ce culte de Mithra.
Constantin Ier, premier empereur romain converti au christianisme, fut néanmoins au début de son règne un fervent adorateur du Sol Invictus. Par exemple, il fera frapper sur les monnaies la légende « Soli Invicto Comiti » qui signifie « Au Soleil Invaincu qui m’accompagne ». 
Et c’est lui qui, par une loi du 7 mars 321, fera du « Jour du Soleil », qui correspond au dimanche (Sunday en anglais ou Sonntag en Allemand), le jour du repos hebdomadaire - qui sera par la suite, assimilé au "jour du seigneur" par les chrétiens.

Ce n’est qu’en 354 de notre ère, après la mort de Constantin, que le Pape Liberus, décrète officiellement la date du 25 décembre comme celle de la naissance du Christ, avec la célébration "Natalis Invicti".
Cette fusion avec le jour le plus important du culte mithraïen est, selon l'expression de l'historien John Steele Gordon, un "coup marketing". Car, c'est pour contrer les festivités païennes que les Chrétiens adoptent cette stratégie fort ingénieuse que d'assimiler la naissance du Christ au retour de l’astre solaire, le Sol Invictus. Cela permet peu à peu aux rites respectifs de se mélanger, et au christianisme de phagocyter divers éléments des fêtes païennes liées au solstice d'hiver : décorations végétales (le houx, par exemple, qui se prête parfaitement à une nouvelle interprétation et devient la représentation de la couronne d'épines et du sang du Christ), les échanges de cadeaux, etc. 
Durant cette christianisation de l'Empire romain, la célébration de la naissance de jésus de Nazareth le 25 décembre par les chrétiens de Rome remplacera progressivement le culte de Sol Invictus.
L'édit de Thessalonique de 380 décrété par Théodore Ier interdira définitivement le culte de Sol Invictus faisant du 25 décembre une forte exclusivement chrétienne.

 Mais les Évangiles ne mentionnant pas la date de naissance de Jésus, celle retenue par Liberus ne fait pourtant pas l'unanimité, et certaines sectes avaient opté pour le 6 janvier, qui renvoyait aux épiphanies de Dionysos et d’Osiris – deux divinités ayant ressuscité (ça doit vous rappeler quelqu'un). Le 6 Janvier correspond toujours à notre propre fête de l'épiphanie, et marque la célébration de la naissance du Christ par les Orthodoxes. 

 Si ce fait est communément admis, certains rechignent encore à admettre que le choix de célébrer Noël le 25 Décembre avait bien pour but de le faire coïncider avec la fête romaine du Dies Natalis Solis Invicti... Parmi eux, un certain Joseph Ratzinger, alias Benoît XVI, affirme que la date a été déterminée en toute logique : le 25 Décembre tombe simplement neuf mois après l'Annonciation (25 Mars), soit le jour de la conception de Jésus. Mais le même Pape a aussi reconnu :  "Noël a acquis sa forme définitive au IVe siècle, quand il a remplacé la fête romaine du Sol invictus". 

                                        Anniversaire réel, ou date choisie arbitrairement ? Ma foi (sans mauvais jeu de mots !), les voies du Seigneur sont impénétrables, et l'important n'est-il pas, au bout du compte, de pouvoir gâter nos proches et passer le 25 Décembre entouré de ceux que nous aimons ? Et ça, c'est finalement aux Romains que nous le devons. Alors, que vous fêtiez Mithra / Sol Invictus, Saturne, le Christ ou n'importe qui d'autre, je vous souhaite à tous un joyeux Noël ! 

En attendant impatiemment le retour du Soleil... 
Et je vous retrouve l'année prochaine, après une pause bien méritée.    


Romy



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